L'homme est une passion inutile.

L’herbe fraîche balayée par le vent venait doucement fouetter son visage. Le seul bruit de la brise faisait danser les feuillages. Ici, tout était calme.
Perdu au milieu de nul part, de lui même, c’est ce qu’il préférait. Il ressentait tout, le vide qui l’entourait, réconfortant, le bruit des insectes lointains, et puis parfois quand l’ennui le prenait, il parlait, seul, en appréciait  chaque syllabes, chaque claquement de langue et le doux froufrou des mots qui venait frémir à ses oreilles.
Il venait toujours ici, pour fuir le brouhaha incompréhensible des autres, enfin “ici”, ce n'était jamais fixe, c’était son lieu partout, là ou il tombait, parfois le cœur battant, percutant sa poitrine avec la violence euphorique d’avoir trop couru pour atteindre l'idéal, parfois avec douceur en entendant le silence réconfortant de la solitude. Et c’est seulement là qu’il se permettait d’ouvrir les yeux, d’affronter le monde.
Il était, si on écoutait ses parents, un de ces enfants particuliers qu’on appelait précoce, toujours en décalage avec les autres. Il a grandit entre les courses folles dans les paysages romantiques, le silence glacé de la maison ou il se laissait couler dans un mutisme mortuaire, son ennui constant dans tout, l’école, les autres, la vie. Isaac, un jour, il était devenu rien, et cette sensation là, dieu qu’il la détestait, un vide profond qui le bouffait, lui infligeant les pire douleurs, tordant tout son être avec une lenteur perfide, renversant son esprit et lui faisant verser quelques gouttes de pluies qui tombaient lamentablement sur ses mains serrées. Et c’était la seule pourtant qui le suivait, lentement, comme un châtiment, son psychiatre l’avait nommée dépression.
Assit, sur ce fauteuil morne, son regard se perdait dans les mouvements de l’horloge face à lui. Le temps passait, lui ne s’en rendait même plus compte. Il avait toujours eu du mal à se connecter à la réalité, l’adolescence avait laissée des traces, un quotidien morne entre la séduction des autres pour combler le vide en soi, les séjours à l'hôpital, la dépression et surtout les médicaments. C’était aussi la période de la révolte, ou l’enfant sage sort de l’eau pour crier de toute ses forces, appréciant l’air qui remplit ses poumons, c’est la liberté.
Et aujourd’hui, Isaac c’est toujours un jeune en décalage, autant enfant capricieux que vieux, le regard toujours fixe, révolutionnaire. Toujours entouré, comme s’il était un aimant, pourtant c'était la solitude qui l’habitait, et un constant décalage avec les autres qu’il observait la plupart du temps, frustré de ne pas comprendre, parce que “les autres” c’est fascinant, c’est une société en papier mâché ou chacun agit sans trop savoir pourquoi. Lui il ne sait pas non plus, il aime juste ça, vivre. Il vagabonde entre ses cours de théâtre auxquels il voue un amour sans nom, et ses études de philosophie, et puis surtout la découverte nouvelle d’une puissance et de liens insoupçonnés . Isaac, c’était tout et rien à la fois.