they call you crybaby, crybaby (ashkan)

Monsieur Sharhzahade, j'espère que vous savez que si vos résultats baissent encore, nous serons dans l'obligation de vous expulser de notre lycée...

Les yeux du jeune homme se baissent et il fixe le sol, ses chaussures lui paraissent bien plus intéressantes que le regard préoccupé de son proviseur qui, il le sait, n'est qu'une façade hypocrite. Il hoche doucement la tête, les yeux brillants de larmes. Ce n'est pas sa faute, vraiment. Il fait ce qu'il peut, Ashkan, il est juste pas très malin, pas très logique, les cours ne l'intéressent pas et ses petits camarades s'occupent bien de rendre son année scolaire infernale, et ce depuis le début. Mais Ashkan n'ose pas se confier, il n'ose pas se rebeller, et personne lui vient en aide. Il promet, presque en chuchotant, qu'il fera de son mieux pour arranger la situation, et sort du bureau du proviseur à pas lents, la lèvre mordue, les sourcils froncés. Devant le portail du lycée, son frère l'attend, fièrement posé sur sa moto, le moteur vrombissant, comme s'il appelait le cadet de la fratrie inlassablement.

Alors, il t'a dit quoi ?

Les petits poings d'Ashkan se ressèrent sur la veste de cuir de son grand frère alors que le véhicule démarre en trombe dans un nuage de poussière. Le petit blond peut sentir les regards perçants des autres élèves, il sait ce qu'ils pensent. Son grand frère, en vérité tous ses aînés, sont d'une beauté rare, on les croirait sortis d'un groupe de musique coréen, et en comparaison, Ashkan parait bien fade.

Bah... Si ça s'arrange pas, j'vais me faire virer...

Ashkan entendrait presque son frère soupirer par dessus les bruits de la ville, de la circulation, de la vie autour d'eux. Son grand frère hausse les épaules, résigné. Les garçons de la fratrie n'ont jamais été de bons élèves, il ne s'attendait clairement pas à ce qu'Ashkan relève le niveau, pour être honnête.

Pas grave, Ash. Tu bosseras avec nous, t'inquiète pas. Fais de ton mieux, va.

*  *  *

Il n'entendait rien. Sa conscience, son esprit, tout était clair. Vide. Le silence était terrifiant. Pourtant il s'était attendu à tout entendre. Les pensées, les moindres petits mots qui traversaient les consciences de ceux qui l'entouraient. Mais non. Rien. Même sa conscience, il ne l'entendait plus. Il allait devenir fou.

Un sanglot lui échappa. Douloureux. Il était recroquevillé dans un coin alors que tout le monde discutait, encore secoués de l'événement d'il y a quelques jours. Vanitas était arrivé, les liant de force, leur donnant un don au hasard. Tout le monde avait à peu près compris ce qu'ils avaient obtenus - surtout Rose qui avait enflammé un rideau - mais lui restait prostré dans son coin, refermé sur lui-même, incapable de comprendre ce qui était nouveau en lui.

... putain d'inutile en vrai...

Le garçon releva la tête, croisant le regard d'un autre jeune homme, Chester s'il se rappelait bien. L'autre asiatique le fixait durement du regard, mais il ne disait rien.

Il ne lui en fallut pas plus pour comprendre ce qui lui arrivait.

*  *  *

Un haut-le-coeur le prit soudainement alors que l'odeur de peinture devenait insupportable autour de lui. Il y en avait dans ses cheveux, sur son visage, sur ses vêtements, la peinture le recouvrait presque entièrement et il sentait les regards des autres élèves sur lui, il entendait leurs rires, ils semblaient éloignés mais ils étaient bien réels. Ashkan restait là, immobile, recouvert de peinture rouge sombre -il espérait de tout son coeur que c'était bien de la peinture et pas autre chose. Le hall d'entrée du lycée était bondé à cette heure-là, tout le monde l'avait vu. Ses pas le dirigèrent par instinct vers la sortie, il se mit à courir, ce fut une pluie intense et violente qui l'accueillit mais il n'était pas prêt de revenir dans cet enfer. Ce jour là, Ashkan venait de passer la porte de son lycée pour la dernière fois. Ils ne le reverront plus. Ils étaient finalement débarrassés. Et lui aussi. Il avait 17 ans, Ashkan, et il envoyait tout se faire foutre.