Isi dort - Some people got the real problems

La mort
Le pire dans la mort… C’est que cette peine de perdre quelqu’un, ce n’est que le début. Le début de longues années à regretter cette personne. Cette présence. Le manque s’installe et ne vous quittera plus. Pendant des années, jusqu’à votre propre fin. Cette douleur est ancrée en vous, elle fait partie de votre existence et rien ne pourra l’effacer. On vous parle du deuil comme si la douleur ne restait là que quelques mois, quelques années… Mais c’est faux, complètement faux. Il ne se passe pas un jour, pas une heure, sans que mon coeur se serre en pensant à ceux que j’ai perdu définitivement. Et je sais que je ne pourrais jamais m’y habituer, jamais m’en remettre, et c’est comme ça.

Quand Blaise est parti, une partie de moi s’est effondrée et ne s’est jamais remise.

La mort de mes parents m’avait déjà retournée la tête, alors même que je les voyais moins d’une fois par semaine, quand tout allait bien. C’était brutal et soudain, et j’étais encore beaucoup trop jeune pour saisir parfaitement le concept de la mort. Avant ça, c’était un truc abstrait. Je savais qu’elle existait, bien sûr. Mais les seuls exemples que j’avais eu jusqu’à ce moment, c’était la mort d’hamster qui sont “partis au paradis des rongeurs” bien trop tôt, rien de plus. Autant dire que j’étais pas bien préparé. Je me souviens m’être enfermé dans ma chambre pour pleurer après avoir appris la nouvelle, refusant d’en sortir pendant plusieurs heures. Et quand je suis sorti, j’ai réalisé que rien n’avait changé et que mes parents étaient toujours aussi mort, qu’on ne m’avait pas fait une mauvaise blague, qu’on ne savait toujours pas ramener les maccabés à la vie. C’était ainsi. J’ai essayé de l’accepter du mieux que je le pouvais, mais autant être honnête : depuis ce jour là, la peur de la mort ne m’a jamais quitté. Je déteste me rendre à des funérailles, car je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’un jour, je serais dans un cercueil moi aussi, et qu’on racontera mes meilleurs et mes pires moments en grignotant un amuse bouche, en buvant un air de vin. Qu’on versera des larmes de crocodiles, en déplorant à quel point j’étais quelqu’un de bien. Y aura forcément quelqu’un pour lancer, en haussant les épaules et avec un sourire triste “Les meilleurs partent toujours les premiers”, et les autres approuvent en essuyant une larme. Et puis les jours et les semaines passeront, et doucement on m’oubliera, comme les autres. Quand vous êtes morts, vous n’avez plus aucun contrôle sur ce qu’on pense de vous. Plus aucun moyen de rattraper vos erreurs du passé, de faire taire les rumeurs, de faire reconnaître votre travail… C’est fini, vous êtes et vous resterez celui que vous étiez au moment où vous avez claqué, et si vous êtes partis en étant un looser, vous resterez un looser dans l’esprit collectif. Si vous êtes quelqu’un de génial, tant mieux pour vous, vous deviendrez une légende, ou alors ce “bon vieux machin, ahh qu’il était brave”. Et si vous n’êtes personne, bah… Est-ce que j’ai vraiment besoin de vous faire un schéma ?

Bref. Je pourrais vous faire un exposé détaillé sur “La mort ça craint vraiment du boudin”, mais je pense que vous le savez déjà. Sinon, demandez des comptes rendus à ma psy.

Et puis tout le reste
Le seul moyen que j'ai trouvé d'exprimer tout ce que je ressentais, cette peur de la mort, mais aussi de la vie en général et de ses aléas, c'est avec un pinceau. J'ai commencé à peindre sur le tard, j'avoue, mais c'est devenu une vraie passion. Foutre de la peinture dans tous les sens, de partout. Sur les toiles, sur les murs, sur le sol.

Sauf que tout le monde trouve ça laid, incohérent, chaotique mais pas dans le bon sens du terme. Too bad. Mêmes mes frangins ne prennent plus la peine de faire des compliments "pour la forme". Faut dire que chez les Rosalie, c'est chacun pour sa poire... Ca a toujours été un peu le cas. Héritage de nos parents je suppose. Mais depuis que Blaise est plus là, c'est pire, je pense.
Enfin, après faut demander aux autres ce qu'ils en pensent... A supposer qu'ils vous répondent ce qu'ils ont vraiment sur le coeur. A la limite, vous pourrez toujours tirer la version "La vie ça craint vraiment du boudin" de la part d'Octave, teinté de reniflements et de grognements. Mais du côté de Ness et Stan ? Nada, que tchi, rien. Un regard froid et c'est tout. Mais faut pas leur en vouloir. Ce n'sont pas des monstres, c'est juste la vie qui les a façonné ainsi, et ayant pu assister à une grande partie de cette dernière, je peux vous dire que c'est plutôt compréhensible. Puis Blaise, bah à moins d'être médium vous en tirerez pas grand chose.

A croire qu'en ayant la richesse du monde, on arrive toujours à avoir tous les problèmes du monde. Ou alors c'est ce qu'on pense... Pourtant, le monde qui tourne - mal - autour de nous, à Polaris, devrait nous recentrer... Mais ça ne fait qu'empirer tout ça. L'ambiance de cette ville pousse au drama, c'est comme ça c'est dans l'air. C'est le bordel ici. Mais ce n'est que mon humble avis, vous en faites ce que vous voulez.

Sinon vous pouvez aussi acheter mes peintures si vous savez pas quoi faire. Au moins les regarder. Allez, faites pas les coincés.

Plus sérieusement. Je crois que l'écriture c'est pas pour moi. Alors sur cette note positive, je vous laisse. J'avoue, c'est vache, vous ne savez pas grand chose de moi. J'aurais pu vous faire un pavé en vous décrivant toute ma vie, de ma marque de céréale préféré à ma première dent de lait tombée, à ma fracture du petit orteil droit quand j'avais 14 ans. Mais ça ne serait ni intéressant, ni utile pour me connaître.

Puis, de toutes façons, grâce aux commérages de quartiers et aux magazines de ménagères, la plupart d'entre vous connaissez déjà l'histoire de ma famille, alors je vais pas en rajouter une couche.